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Le duo le plus improbable du Père-Lachaise

Dans la division 94 du cimetière du Père-Lachaise se côtoient deux personnalités que seule la mort pouvait rapprocher : Édouard Drumont, fondateur de l’antisémitisme français, et Alexandre Stavisky, escroc juif. Un duo improbable.

Juif d’origine Russe né en 1886, naturalisé français en 1910, Alexandre Stavisky découvrit très tôt ses prédispositions pour l’escroquerie. Il déroba notamment dans sa jeunesse le peu d’or que possédait son père, dentiste, et qui lui servait à réaliser des prothèses, pour le revendre. Plus tard, avec son grand-père Abraham, il se présenta comme le programmateur estival du théâtre Marigny et vendit des places… Alors que le théâtre était fermé pendant l’été ! La suite de sa carrière fut une longue succession de recels, faux, abus de confiance, et fraudes en tous genres, faisant de Stavisky l’escroc le plus célèbre du 20e siècle.

En 1934, une affaire dans laquelle il est impliqué va devenir un véritable scandale d’État. Le directeur du Crédit municipal de Bayonne est arrêté, accusé d’avoir mis en circulation de faux bons de caisse pour un montant de 235 millions de francs. L’enquête remonte vite à Stavisky, qui a détourné cet argent avec le soutien du député-maire de Bayonne, Joseph Garat. On découvre alors que l’escroc s’est tissé un vaste réseau de politiques, journalistes et magistrats corrompus, ce qui plonge la IIIe République dans une crise profonde, sous fond de xénophobie. Stavisky fut retrouvé mort dans un chalet à Chamonix, officiellement suicidé. Officieusement, ses amitiés  politiques l’ont certainement aidé à se suicider !

Connue sous le nom de « l’affaire Stavisky« , cette affaire a notamment été popularisée par le film « Stavisky » (1974), dont le rôle du célèbre escroc a été interprété par Jean-Paul Belmondo.

Édouard Drumont, gentiment baptisé « Homme de lettres » par le Père-Lachaise, est quant à lui né à Paris en 1844. Il se lança très tôt dans le journalisme, et publia en 1886 « La France Juive », qui connut un grand succès et popularisa les bases de la doctrine antisémite en France.  Fort de cette notoriété, il fonde en 1892 le quotidien antisémite « La Libre Parole », qui défendra certaines thèses nationalistes et anticapitalistes en vogue, à savoir la décadence du pays et la mainmise des juifs sur le capital. Il fut également le premier, lors de l’Affaire Dreyfus, à faire un lien entre les origines juives de l’officier et la complicité supposée de l’État.

Pendant l’occupation allemande, en 1942, il fut inscrit sur sa tombe : « À l’auteur de l’immortel chef d’œuvre, La France juive« . Cette inscription fut enlevée en 2002. Les traces de burin qui l’ont effacée sont encore visibles sur la tombe.

Ironie de l’histoire, ces deux hommes sont aujourd’hui voisins pour l’éternité, se tournant mutuellement le dos, comme si l’affront était tout de même  difficile à supporter. Seul le Père-Lachaise peut raconter, et rassembler, de telles histoires !

 

Pas loin de ce duo improbable, ne loupez pas le mur des Fédérés.

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