Histoire

Hubertine Auclert, la « suffragette » oubliée

© Getty / GettyImages

Si les célébrités sont nombreuses au Père-Lachaise, celles tombées dans l’oubli le sont tout autant ! C’est le cas notamment d’Hubertine Auclert, figure importante du féminisme français, qui a lutté toute sa vie pour le droit de vote des femmes. Enterrée au cimetière du Père-Lachaise, sa tombe passe plutôt inaperçue. Pas facile en effet d’attirer l’attention lorsque l’on fait face à un monument comme celui d’Honoré de Balzac. Une vie à l’ombre des hommes…

Née en 1848 dans l’Allier, issue d’une famille aisée de paysans républicains, Hubertine Auclert perd ses parents à l’adolescence. Devenue libre et indépendante grâce à un héritage conséquent, elle s’installe à Paris à la chute du Second Empire. La jeune IIIe République, dominée par les monarchistes, les républicains conservateurs et l’église Catholique, n’accorde encore que très peu de place aux femmes.

La naissance du féminisme

Hubertine Auclert rejoint en 1873 l’Association pour le Droit des Femmes, créée par Léon Richer, autre figure oubliée, qu’elle a elle-même surnommé le « père du féminisme ». Malgré un projet commun d’émancipation de la femme, qui passait notamment par la correction du Code Napoléon qui faisait de la femme une mineure à vie et une personne soumise inconditionnellement à son mari, les discordances pour y arriver étaient nombreuses. Partisane de la radicalité, elle considère que seules la désobéissance, la provocation et l’insolence peuvent aider les femmes dans leur lutte.

Une précurseuse en quelque sorte, puisque ces principes étaient à la base du mode d’action des suffragettes, mouvement apparu au début du 20e siècle en Grande-Bretagne.

l’Association pour le Droit des Femmes devient en 1883 la Société pour le Suffrage des Femmes, qui prône l’égalité absolue, et dans tous les domaines, entre les hommes et les femmes. Alors que ses contemporaines féministes militaient pour une égalité des droits civils, Hubertine réclame une égalité totale, et donc aussi politique, appelant les Républicains à ne pas bafouer les idéaux révolutionnaires.

Les actes militants

En 1880, malgré l’interdiction, Hubertine Auclert se présente sur les listes électorales. Refus du gouvernement. Elle continue à défrayer la chronique en s’infiltrant dans des cérémonies de mariage et en déclenchant avec ses amies des huées au moment de la lecture par le maire de l’article stipulant que la femme doit « soumission et obéissance à son mari ». Elle fonde un journal (La Citoyenne, 1882 – 1891), et entame après son éviction des listes électorales une grève de l’impôt, considérant que si l’administration excluait les femmes du droit de vote, celles-ci devaient alors être aussi exclues de l’impôt.

Outre ses combats politiques, elle fut l’une des premières à questionner la féminisation des mots dans la langue française, soutenant que « l’omission du féminisme dans le dictionnaire contribue plus qu’on ne le croit à l’omission du féminin dans le code civil ».

Elle se présente à nouveau aux élections législatives en avril 1910, élection qui lui est à nouveau refusée. Elle appelle alors les femmes à boycotter le recensement de la population. Avec un argument encore une fois implacable : « si nous ne comptons pas, pourquoi nous compte-t-on ? ».

Parmi ses multiples talents, Hubertine Auclert avait le sens de la formule !

Morte en 1914, elle ne verra jamais l’aboutissement de la lutte qu’elle a menée toute sa vie (droit de vote accordé aux femmes en France en 1944). Elle y a indéniablement contribué, ce à quoi sa tombe du Père-Lachaise (49ème division) lui rend hommage avec la discrète inscription « suffrage des femmes ». Et bien qu’il lui fasse de l’ombre, il est certain qu’Honoré de Balzac, passionné par les êtres qui ont un destin, aimerait que ses spectateurs d’un jour honorent aussi sa voisine !

Quel beau tandem en tout cas que celui de Balzac et d’Hubertine Auclert. Des histoires que seul le seul le Père-Lachaise peut raconter

 

Infos Utiles

Surnommée "la suffragette française", sa tombe est visible au cimetière du Père-Lachaise (division 49). Portrait d'une militante tombée dans l'oubli.

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