Histoire

Quand les premiers impressionnistes, exposés à Paris, étaient traités d’aliénés

Aujourd’hui mondialement (re)connus, les impressionnistes n’ont pas toujours fait l’unanimité. Leurs recherches sur la lumière, les thèmes abordés et les techniques nouvelles utilisées ont été source de critiques, et les tableaux systématiquement refusés au Salon officiel, qui permettait aux artistes de se faire connaître et de recevoir des commandes.

En réaction à ses refus et aux choix conservateurs de l’académie des Beaux-Arts, une exposition fut organisée 15 mai 1874 boulevard des Capucines dans les studios d’un célèbre écrivain et photographe de l’époque, Nadar. Il y avait parmi les peintures exposées un tableau de Monet intitulé Impression, soleil levant. Il représentait un port vu à travers une brume matinale. Un critique, jugeant ce titre ridicule, nomma le groupe entier « les impressionnistes ». L’étiquette resta.

Deux ans plus tard, le 2 avril 1876, Paul Durand-Ruel, à la recherche d’innovations artistiques, organisa dans sa galerie située rue Le Peletier (9e arrondissement) une exposition consacrée à ces artistes rejetés du Salon. Des noms comme Caillebotte, Sisley, Monet, Renoir, Morisot, Pissarro, Degas, sont présentés au public. L’exposition fut mal accueillie, et la galerie Durand-Ruel qualifiée de « maison de santé mentale ».

Voici ce que publia le célèbre – et redouté – critique d’art Albert Wolff dans Le Figaro du 3 avril 1876 :

« La rue Le Peletier a du malheur. Après l’incendie de l’Opéra, voici un nouveau désastre qui s’abat sur le quartier. On vient d’ouvrir chez Durand Ruel une exposition, qu’on dit être de peinture. Le passant inoffensif, attiré par les drapeaux qui décorent la façade, entre, et à ses yeux épouvantés s’offre un spectacle cruel. Cinq ou six aliénés dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition, s’y sont donnés rendez-vous pour exposer leur oeuvre.

Il y a des gens qui pouffent de rire devant ces choses. Moi j’en ai le coeur serré. Ces soi-disant artistes s’intitulent les intransigeants, les impressionnistes : ils prennent des toiles, de la couleur et des brosses, jettent au hasard quelques tons et signent le tout. […] Effroyable spectacle de la vanité humaine s’égarant jusqu’à la démence. Faites donc comprendre à M. Pissarro que les arbres ne sont pas violets, que le ciel n’est pas d’un ton beurre frais, que dans aucun pays on ne voit les choses qu’il peint et qu’aucune intelligence ne peut adopter de pareils égarements ! […]

Essayez donc de faire entendre raison à M. Degas; dites-lui qu’il y a en art quelques qualités ayant nom : le dessin, la couleur, l’exécution, la volonté. […] Essayez donc d’expliquer à M. Renoir que le torse d’une femme n’est pas un amas de chairs en décomposition avec des taches verts violacées qui dénotent l’état de complète putréfaction dans un cadavre !

Il y a aussi une femme dans le groupe, comme dans toutes les bandes fameuses, d’ailleurs; elle s’appelle Berthe Morisot et est curieuse à observer. Chez elle, la grâce féminine se maintient au milieu des débordements d’un esprit en délire. »

Voici quelques tableaux présentés lors de cette exposition :

Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte. 1875
Claude Monet, Bassin d’Argenteuil. 1872
L’Inondation à Port-Marly, Alfred Sisley. 1876
Torse de jeune fille au soleil, Renoir. 1875

Paul Durand-Ruel a soutenu toute sa vie les impressionnistes, ce qui lui valut d’être ruiné à plusieurs reprises. Ses effort furent récompensés à l’âge de 89 ans. « Enfin les maîtres impressionnistes triomphaient comme avaient triomphé ceux de 1830. Ma folie avait été sagesse. Dire que si j’étais mort à soixante ans, je mourais criblé de dettes et insolvable, parmi des trésors méconnus… » dit-il à la fin de sa vie.

Il y a les critiques, et les visionnaires !

Infos Utiles

Histoire de la deuxième exposition impressionniste présentée à Paris le 2 avril 1876, qui réunissait Caillebotte, Sisley, Monet, Renoir, Degas, et bien d'autres. Une expsosition mal accueillie par le public et la critique.

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