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Le passé macabre des Buttes-Chaumont

Avec près de 25 hectares, le parc des Buttes-Chaumont est l’un des plus grands espaces verts de Paris, apprécié pour son cadre pittoresque, ses allées sinueuses, et son parfum à la fois exotique et divertissant. 

Loin des jardins historiques du centre de la capitale, il fut créé de toutes pièces dans un quartier misérable, rattaché à Paris en 1860. Un passé enfoui à la demande de Napoléon III, qui souhaitait profiter de ces terrains désolés pour offrir aux populations indigentes un peu de nature, et aux paysans venus chercher modernité et confort dans les nouvelles industries la saisonnalité disparue sous les épais nuages de fumée. 

 

Car les Buttes-Chaumont, et une grande partie du 19e arrondissement actuel, c’est cela : de gigantesques carrières de gypse, appelée aussi pierre à plâtre, dont l’utilisation est attestée depuis l’époque Gallo-Romaine. De la marne aussi, souvent infertile, ou encore de l’argile, qui servait à la fabrication de briques. Un paysage lunaire qui dominait les reliefs des faubourgs au nord-est de Paris, où pas un brin d’herbe ne poussait, que les parisiens nommèrent la butte du Mont-Chauve. 

Mais si ce quartier était sinistre, ce n’était pas simplement à cause de ses plâtrières. Tout ce que connaissait Paris de plus obscure, sale, tout ce que la ville ne voulait pas voir, ou au contraire exposer dans une scénographie morbide, se trouvait aux alentours des carrières. 

La voirie de Montfaucon, qui menait aux Buttes-Chaumont, était en effet célèbre pour son gibet. Érigé sous Saint-Louis, l’emplacement avait été choisi pour son paysage abandonné, symbole de la justice royale que les parisiens pouvaient apercevoir depuis le centre de la ville. Des milliers de personnes y furent pendues jusqu’en 1630. Ironie de l’histoire, le ministre Enguerrand de Marigny, qui avait fait installé le gibet à Montfaucon, y fut l’un des premiers pendus, en 1315. 

Plus tard, la voirie de Montfaucon fut choisie pour y installer l’usine à Poudrette de Paris. La poudrette, c’est le nom donné à l’engrais produit à partir de matière fécale humaine… Dans de vastes bassins étaient déversés quotidiennement des centaines de mètres cubes d’excréments, que des ouvriers, parfois des enfants, faisaient sécher au soleil pour récolter le précieux fertilisant.

C’était toujours mieux que de les jeter dans la rue, comme c’était souvent le cas à Paris… Sauf que l’odeur, insoutenable, se répandait jusqu’au village voisin de Belleville, et dans tout l’est parisien les jours de grand vent.

À cette odeur organique nauséabonde s’ajoutait celle de la mort… Depuis le 17e siècle se situait sur cette même voirie de Montfaucon une vaste zone d’équarissage. On y récupérait les chevaux morts pour les transformer, ou on y abandonnait ceux malades, devenus inutiles. Les crins étaient récupérés pour la tapisserie, les peaux par les tanneurs, la graisse pour les savonneries. Le même sort était réservé aux chats et chiens abandonnés, et les mares de sang étaient devenues avec le temps une usine naturelle d’asticots, très prisée par les pêcheurs. 

Qui de la poudrette ou des cadavres entassés d’animaux sentait le plus mauvais ? Nul ne le savait.

Inauguré lors de l’exposition universelle de 1867, le parc des Buttes-Chaumont devait remplacer ce passé abject et méphitique par un écrin de verdure. Objectif réussi, puisque quasiment plus personne ne sait, lorsqu’il flâne dans les allées sinueuses et pittoresques du parc, que tout y est artificiel. 

 

Pour découvrir tous les secrets de ce quartier, découvrez notre visite guidée des Buttes-Chaumont et du 19e arrondissement

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